Les sites de rencontre, phénomène de société ?

Publié le par pikkendorff

Nos grands-parents, nos parents n’avaient nul besoin de sites de rencontre pour se trouver, s’aimer se marier…

Certes, il y avait dans l’entre-deux guerres les petites annonces du Chasseur Français… mais c’était une exception réservée aux veuves et à quelques ruraux un peu âgés qui étaient victimes de l’exode rurale…

On se mariait alors " dans son milieu " entendez par-là non seulement sa classe sociale ( qui n’avait pas alors la connotation "lutte des classes" imposée par les idées marxistes dans la deuxième moitié du XXème siècle mais aussi et surtout dans son voisinage. Puis sont apparues les agences matrimoniales. Mais elles restaient très marginales, à la fois en raison de leurs coûts prohibitifs que de l’espèce de rejet par la société. Par la suite, les choses s’accélérèrent avec les journaux d’annonces gratuits, puis avec le minitel. Toutefois, pour une annonce sérieuse mais souvent désespérée, on en trouvait six ou sept de dragueurs invétérés ou de professionnelles.

Avec Internet, le mouvement a connu une très nette et très rapide progression qui a connu sa consécration, selon les normes de notre société, avec l’introduction au second marché de l’action Meetic à l’automne dernier…

Mais pourquoi diable un tel changement dans les habitudes ? faut-il y voir, comme le pense certains esprits un peu sommaires, une dépravation des mœurs ?

Pour ma part, il y a une quarantaine d’années, je donnais déjà une explication au phénomène débutant en disant que " en réalisant l’adduction d’eau dans les villes et villages, nos élus avaient favorisé l’essor des agences matrimoniales… " Par ce raccourci volontairement énigmatique, je voulais expliquer que le confort pouvait avoir des effets secondaires pernicieux. En apportant le confort au domicile on replie la maisonnée sur elle-même dans la mesure où elle n’a plus besoin de sortir. Elle se prive donc d’occasions de rencontrer l’autre. Dans mon exemple, prendre l’eau sur l’évier évite d’aller chercher une cruche à la fontaine du village. Or, le plus souvent, c’était les jeunes à qui était confiée cette tâche, d’abord parce que la mère était aux fourneaux, le père aux champs et l’eau ne devaient être ramenée qu’au dernier moment pour rester fraîche en l'absence de réfrigérateur… ensuite, parce que les anciens étaient bien conscients aussi de la nécessité pour les jeunes de se rencontrer… Surtout à une époque où filles et garçons étaient soigneusement séparés que ce soit à l’école ou à l’église !

Mais ce n’est qu’un des aspects. Certes, le progrès du confort nous a de plus en plus isolés : la télévision nous cloue chez nous quand jadis nous allions au spectacle, le réfrigérateur et le congélateur nous évitent les courses de proximité dans la petite épicerie du coin qui du reste a disparu. Mais il y a un autre aspect, c’est l’urbanisation et la massification. Dans un village, tout le monde se connaissait plus ou moins et les entrées en matière étaient, même pour les timides plus aisées. Même Paris restait un ensemble de gros villages dont les gens ne sortaient qu’assez peu. L’urbanisation, qui a correspondu aussi à des migrations tant de ruraux venant travailler à la ville que d’étrangers poussés par les troubles de la politique internationale, a contribué à créer des foules anonymes. Puis pour répondre au grand nombre on a mis en place, le progrès technique aidant, de nouvelles structures surdimensionnées comme les super et hypermarchés. Dans un même temps, le transport qui nous libérait nous coupait parallèlement de nos proches voisins… Même les loisirs sont devenus des activités de masse : il est maintenant possible de sonoriser le stade de France pour accueillir un chanteur qui, jadis, se serait produit sans micro dans une petite salle… L’intimité favorable aux amoureux y perd forcément !

Aujourd’hui que se passe t’il ? Vous sortez de votre travail (compte tenu des horaires variables, vous ne côtoyez même plus vos collègues à la sortie pour aller vous attabler sur une terrasse. Vous entrez, seul, dans votre voiture qui vous mène à l’hypermarché. Là, vous descendez de voiture, vous prenez votre chariot et vous entrez dans l’hypermarché où vous vous retrouvez seul… au milieu de mille deux –cent trente-huit personnes ! Seul, puisque, jusqu’à la caisse, personne ne vous adressera la parole !

Vous faites donc vos courses puis passez à la caisse où, là, miracle ! On vous adresse enfin la parole sous forme d’un " bonjour, à votre service " mécanique. Vous déballez vos courses que la caissière passe devant son lecteur optique, puis vous les remettez après passage en caisse. Sans un mot !

En fin on vous parle à nouveau pour vous donner le prix. Il faut ici mentionner un progrès important dans la communication puisque le plus souvent, la caissière vous dit : " Avez-vous la carte du magasin ? " chose qui ne se disait pas dix ans auparavant … il ne vous reste plus qu’à regagner votre voiture, vider le chariot dans la voiture, rentrer chez vous, toujours seul, puis vider votre voiture pour monter vos courses chez vous. Et là, vous fermez votre porte… non pas sur votre intérieur douillet, mais sur le monde ! Car une fois la porte refermée, tout est fait pour que vous n’ayez plus besoin de ressortir ! Et si vous voulez une fenêtre sur le monde pour savoir qu’il y a d’autres humains et bien, vous avez la télévision !

Faut-il s’étonner que les internautes aient essayé de se joindre depuis chez eux ? Faut-il s’étonner si les affairistes ont vu là un filon à exploiter ?

Il y a sûrement beaucoup à dire sur ces sites de rencontres, et nous nous y emploierons dans les prochains articles mais il est certain qu’ils répondent à un réel besoin social. Du reste, les comportements ont changé de manière notoire depuis quatre années que je les observe.

Il y a quatre ans, les inscrits s’appliquaient à brouiller les pistes : les photos étaient l’exception, les gens mentaient sur leur age, leur domicile pour ne pas être reconnus. Aujourd’hui, le nombre de fiches avec photo à plus que décuplé et les gens se présentent de plus en plus souvent pour ce qu’ils sont réellement, sans honte d'être vus sur de tels sites.. Bien sûr, pas tout le monde ! Les nouveaux venus gardent souvent une réticence et bien sûr, ceux qui sont en quête d'aventures extraconjugales ne s'affichent pas forcément !

Enfin, un dernier point qui a favorisé ce genre de site : la multiplication des divorces, notamment dans ma génération qui est celle du baby boom et qui laisse des milliers de personnes esseulées et souvent meurtries. Or, si à la cinquantaine aujourd’hui, on est plus fini socialement et sentimentalement, il n’existe pas vraiment de possibilité de rencontre dans une société qui est basée sur le couple : l’homme ou la femme seul est au mieux un intrus, au pire un danger ! On le croit hors norme, on l’accuse presque de son état : s'il est seul, c'est qu'il est forcément coupable ou qu'il est une sorte de "raté"social… est-il anormal que tous ces gens veuillent vivre, veuillent aimer, veuillent se prouver qu’ils existent ? Qu'ils cherchent à se rejoindre à chercher chez leur semblables la compréhension que la société leur refuse ?

Que leur offre-t-on comme alternative ?

 

Publié dans Sites de rencontre

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article